la ou les sciences
la ou les sciences
La connaissance scientifique
Introduction :
On parle beaucoup de la science sans jamais finalement s’interroger sur le sens de ce singulier, tant il nous
semble évident . Les évidences dissimulent souvent des préjugés, c’est bien pourquoi nous nous
interrogerons au cours de ce travail sur le sens de cette unité rassemblant une diversité d’approches.
Il y a deux types de sciences : les sciences de la nature (les sciences physiques par exemple) et les sciences de l’homme (sociologie, psychanalyse) . Peut-on vraiment attribuer à ces démarches le même sens ? Si la physique cherche à construire les lois du mouvement, la sociologie de son côté cherche aussi à connaître mais avec le projet non négligeable de comprendre des questions portant sur le sens des actions humaines. Les sciences dites de la nature n’interrogent pas le sens des phénomènes .
…ainsi connaître n’est pas comprendre.
Il s’agit dans le cas des sciences de l’homme de comprendre…donc d’interpréter. On dira que les sciences
de l’homme ont une dimension herméneutique.
Qui dit interprétation dit multiplicité des interprétations, donc possibilité d’un conflit des interprétations. Mas l’unanimité ou le consensus n’est pas un critère suffisant pour garantir la vérité d’une affirmation.
Aristote définit ainsi la science : il n’ y a de science que du général.
Peut-on attribuer cette définition aux deux espèces de sciences que nous avons délimitées ?
Les sciences de la nature vont de l’hypothèse théorique (générale) à sa vérification expérimentale(particulière). Citons pour exemple la loi de la chute des corps établie par Galilée (voir explication dans le manuel)
« La nature nous montre une multitude infinie de figures et de phénomènes singuliers ; nous éprouvons le besoin d’apporter de l’unité dans cette multiplicité variée ; c’est pourquoi nous faisons des comparaisons et cherchons à connaître l’universel qui est en chaque chose. […] En font partie les lois, ainsi par exemple les lois du mouvement des corps célestes. Nous voyons les astres aujourd’hui ici, et demain là-bas ; ce désordre est pour l’esprit quelque chose qui ne lui convient pas, à quoi il ne s’en remet pas, car il a foi en un ordre, en une détermination simple, constante et universelle. C’est en ayant cette foi qu’il a dirigé sa réflexion sur les phénomènes et qu’il a connu leurs lois, fixé d’une manière universelle le mouvement des corps célestes de telle sorte qu’à partir de cette loi, tout changement de lieu se laisse déterminer et connaître. Il en va de même avec les puissances qui régissent l’agir humain dans sa variété infinie. Ici aussi l’homme a foi en un universel exerçant sa domination. De tous ces exemples on peut conclure comme (note : « à quel point ») la réflexion est toujours à la recherche de ce qui est fixe, permanent, […] et de ce qui régit le particulier. Cet universel ne peut être saisi avec les sens et il vaut comme ce qui est essentiel et vrai. »
G. W. F. Hegel
Si nous admettons la vérité des lois scientifiques, ce qu'elles enseignent peut éventuellement nous paraître bien éloigné de ce que nous voyons quotidiennement. Tout en connaissant la loi de la chute des corps, on peut être étonné en pensant qu'elle régit aussi la chute irrégulière d'une feuille d'arbre. C'est que les phénomènes quotidiens nous assaillent par leur variété, alors que les lois sont universelles. Hegel analyse dans ce texte la relation qui existe entre le particulier et l'universel, mais il en profite pour souligner qu'en fait, notre esprit demande l'universel, qui est synonyme de vérité située au-delà des apparences.
Le spectacle que nous offre la nature est d'une infinie diversité : chaque être y affirme sa singularité (le chien que j'ai vu passer tout à l'heure ne ressemble pas à celui que je croise maintenant ; tous les individus que je vois ont des visages, des allures, des gestes dissemblables ; les fleurs se distinguent par leurs tailles, leurs couleurs, leurs formes, etc.). Cette variété peut être satisfaisante pour la perception, parce qu'elle lui apporte des plaisirs toujours inattendus et renouvelés, mais l'esprit ne peut s'en contenter. L'esprit éprouve un besoin d'unité, qui se manifeste quotidiennement dans les concepts ou les mots que nous utilisons. Concepts et mots qui, ainsi que le dit Hegel, résultent de « comparaisons » effectuées entre les choses et expriment l'universel qui s'y trouve.
Comparer les phénomènes, c'est en extraire ce qu'ils ont de commun : dire « l'arbre », c'est considérer que tous les arbres peuvent se ranger, malgré leur variété apparente qui « saute aux yeux », sous une appellation précisément qualifiée de « commune », qui rassemble les caractères qu'ils partagent : « arbre » évoque nécessairement la présence d'un tronc, de branches, de feuilles - dont les dimensions ou les couleurs n'ont pas besoin d'être davantage précisées. Le saut qualitatif de la perception au mot marque une progression vers l'universel. C'est donc déjà très quotidiennement, par notre langage, que nous nous éloignons de la variété sensible.
On peut donc considérer de façon légitime qu'il y a dans l'esprit humain une tendance (un « besoin ») à chercher l'unité derrière la diversité, pour avoir affaire à un monde déjà mieux ordonné, qui nous semble obéir à un ordre régulier et constant.
Il n'y a, disait déjà Aristote, de connaissance que de l'universel. La connaissance scientifique énonce en effet l'universel dans ses lois. L'exemple utilisé par Hegel a ceci de judicieux qu'il concerne les débuts historiques de la science, au sens moderne, avec l'astronomie. Dans ce domaine, à nouveau, la nature nous montre d'abord de la diversité : les astres « bougent », ils n'occupent pas, d'un jour ou d'une nuit à l'autre, le même emplacement. Cet apparent désordre ne convient pas à l'esprit. Même les systèmes astronomiques qui nous semblent aujourd'hui peu scientifiques ont cherché à déceler un ordre : en un sens, que l'on imagine les planètes « accrochées à une sphère » autour d'une terre centrale, ou que l'on conçoive un système héliocentrique depuis Galilée, le projet est constant. Il s'agit toujours de découvrir des lois qui rendent les mouvements compréhensibles par l'esprit, qui montrent que l'apparent désordre obéit en fait à« une détermination simple, constante et universelle » (et Copernic faisait bien valoir que le géocentrisme et l'héliocentrisme rendent également compte des phénomènes tels que nous pouvons les constater).
La loi, telle que l'évoque Hegel, a un double avantage : elle rend compte universellement des mouvements observables, et elle permet de prévoir tout nouveau mouvement. L'ordre qu'elle révèle est à double portée : il explique ce qui existe, il permet de prévoir ce qui pourra exister. En d'autres termes, il implique une foi dans la validité absolue du déterminisme : une fois que les causes sont connues, leurs conséquences seront toujours les mêmes, et l'esprit ne risquera plus de rencontrer des phénomènes arbitraires.
Il doit en aller de même, ajoute brièvement Hegel, en ce qui concerne l'agir humain, c'est-à-dire l'Histoire. Car dans ce domaine également, la variété est d'abord infinie pour l'observateur désorienté : les événements s'accumulent, les actions se déchaînent, les passions font rage. Et pourtant, l'homme a « foi en un universel exerçant sa domination ». S'agit-il de n'importe quel homme ? Peut-être pas : il n'est pas sûr que les Grecs aient conçu leur propre histoire comme dominée par l'équivalent d'un déterminisme universel. Mais il s'agit en tout cas d'un homme hégélien - sinon de Hegel lui-même –, qui considère qu'il est possible et nécessaire de déceler, à l'arrière ou au-dessus de la confusion des événements anecdotiques, l'action d'une détermination globale de l'Histoire et de son orientation. Dans l'agir humain comme dans la nature, il faut trouver l'universel à l'œuvre, et même considérer que l'universel y est en quelque sorte à son comble, si c'est bien la Raison ou l'Esprit absolu qui trace sa route à travers les tumultes apparents pour aboutir, en se réalisant pleinement, à un monde entièrement rationnel.
S'il existe ainsi dans l'esprit de l'homme une quête permanente de ce qui est fixe et ordonné, c'est-à-dire de ce qui obéit à des lois qui sont comme l'armature du réel, dissimulée par la variabilité des apparences qui les recouvrent, c'est que l'esprit lui-même y trouve son compte, parce que l'universel signifie « ce qui est essentiel et vrai ».
« Essentiel », l'universel l'est dans la mesure où il révèle ce qui constitue le fond même des choses et des phénomènes, indépendamment des phénomènes variables qui ne concernent que nos sens. L'esprit se détourne donc de ce dont l'informent les sens, ou plutôt il accomplit sur ces informations un travail qui consiste à les débarrasser de ce qu'elles présentent d'anecdotique pour ne conserver que leur portée générale, la manière dont elles témoignent d'une loi sous-jacente.
Mais l'universel est simultanément vrai, parce que la vérité, avec ce que ce concept implique de stabilité et d'universalité, ne peut se rencontrer qu'à l'écart des apparences mouvantes, dans ce qui a une portée dépassant les anecdotes et les phénomènes plus ou moins singuliers. Comme l'universel, le vrai ne se donne pas immédiatement, il est donc impossible à atteindre par les sens, et ne s'élabore que grâce à un travail de la raison.
Hegel montre ici que la connaissance du vrai passe nécessairement par la découverte de l'universel. Que devient alors le particulier ? Est-il considéré, selon un modèle platonicien, comme négligeable ? Le texte ne l'affirme pas : si la multiplicité semble insatisfaisante du point de vue de l'esprit, peut-être affirme-t-elle la valeur de sa présence pour les sens ? Car il est sous-entendu que, même si elle le voile, la multiplicité est, en elle-même, une sorte de véhicule pour l'universel : en son absence, l'esprit n'aurait à se diriger vers aucun au-delà, peut-être même ne pourrait-il pas y avoir accès.
(analyse reprise dans http://philoforever.blog4ever.com)
Que penser alors de la démarche des sciences de l’homme qui procèdent de façon inverse , partant en effet du particulier pour produire une loi universelle ? (notons toutefois la permanence de ce besoin d’universel pour l’esprit)
Ainsi c’est à partir de l’observation clinique que Freud produit l’hypothèse de l’inconscient psychique.
On nous conteste de tous côtés le droit d'admettre un psychisme inconscient et de travailler avec cette hypothèse. Nous pouvons répondre à cela que l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de l'existence de l'inconscient. Elle est nécessaire, parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires; aussi bien chez l'homme sain que chez le malade, il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d'autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience. Ces actes ne sont pas seulement les actes manqués et les rêves, chez l'homme sain, et tout ce qu'on appelle symptômes compulsionnels chez le malade; notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d'idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l'origine, et de résultats de pensée dont l'élaboration nous est demeurée cachée. Tous ces actes conscients demeurent incohérents si nous nous obstinons à prétendre qu'il faut bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait d'actes psychiques; mais ils s'ordonnent dans un ensemble dont on peut montrer la cohérence, si nous interpolons les actes inconscients inférés. Or, nous trouvons dans ce gain de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d'aller au-delà de l'expérience immédiate. Et s'il s'avère de plus que nous pouvons fonder sur l'hypothèse de l'inconscient une pratique cou-ron-née de succès, par laquelle nous influençons, conformément à un but donné, le cours des processus conscients, nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve incontestable de l'existence de ce dont nous avons fait l'hypothèse. L'on doit donc se ranger à l'avis que ce n'est qu'au prix d'une prétention intenable que l'on peut exiger que tout ce qui se produit dans le domaine psychique doive être connu de la conscience.
Freud, Métapsychologie pp. 66-67
Ainsi la question qui se pose en fait est celle de la justification de l’emploi du singulier. Peut-on en
effet parler d’une unité de la science, compte-tenu de la diversité des objets et
de la multiplicité des méthodes. ?
Une première remarque s’ impose : les sciences cherchent toutes à construire des modèles des
phénomènes.
1.La réalité échappe à l’homme…
Selon l’étymologie grecque (phainomenon, « ce qui apparaît »), un phénomène est un
événement qui se produit à un certain moment par opposition à ce qui est immuable.
Pour les physiciens ioniens (VIe siècle av. J.-C.), la science des phénomènes consiste à
établir des relations intelligibles, et souvent mathématiques, qui rendent compte du
changement dans les phénomènes. La notion de phénomène physique – utilisée dans
toutes les sciences de la nature – est conforme à ce sens général. L’observation
attentive des phénomènes naturels est le point de départ de la démarche scientifique. La
construction d’une théorie et le recours à l’expérimentation permettent ensuite de
progresser dans la compréhension rationnelle des lois naturelles. Les expériences
effectuées en vue de valider le modèle théorique ou d’éclairer des aspects nouveaux des
mécanismes en œuvre sont encore l’occasion d’observer des phénomènes nouveaux,
souvent dans des conditions mieux contrôlées.
Autrement dit la science cherche à donner une durabilité par l’institution de lois à ce qui
est soumis au changement..
Selon Kant la réalité est inconnaissable. Il la nomme chose en soi ou noumène.
On ne peut que la ressaisir partiellement au travers des phénomènes.
Auguste Comte, Cours de philosophie positive, première leçon
(dans Oeuvres choisies, Aubier pp. 59-61, ou dans Philosophie des sciences, « Tel
», Gallimard,
Paris 1996, pp.52-53.)
« En étudiant le développement de l’esprit humain dans ses diverses sphères d’activité, depuis
son premier essor jusqu’à nos jours, je crois avoir découvert une grande loi fondamentale à
laquelle il est assujetti par une nécessité invariable, et qui me semble pouvoir être établie, soit
sur les preuves rationnelles fournies par la connaissance de notre organisation, soit sur les
vérifications historiques résultant d’un examen attentif du passé. Cette loi consiste en ce que
chacune de nos conceptions principales, chaque branche de nos connaissances, passe
successivement par trois états théoriques différents : l’état théologique, ou fictif ; l’état
métaphysique, ou abstrait ; l’état scientifique, ou positif. En d’autres termes, l’esprit humain,
par sa nature, emploie successivement dans chacune de ses recherches trois méthodes de
philosopher, dont le caractère est essentiellement différent et même radicalement opposé:
d’abord la méthode théologique, ensuite la méthode métaphysique, et enfin la méthode
positive. De là, trois sortes de philosophies, ou systèmes généraux de conceptions sur
l’ensemble des phénomènes, qui s’excluent mutuellement; la première est le point de départ
nécessaire de l’intelligence humaine; la troisième, son état fixe et définitif; la seconde est
uniquement destinée à servir de transition.
Dans l’état théologique, l’esprit humain, dirigeant essentiellement ses recherches vers la
nature intime des êtres, les causes premières et finales de tous les effets qui le frappent, en un
mot vers les connaissances absolues, se représente les phénomènes comme produits par
l’action directe et continue d’agents surnaturels plus ou moins nombreux, dont les
interventions arbitraires explique toutes les anomalies apparentes de l’univers.
Dans l’état métaphysique, qui n’est au fond qu’une simple modification générale du premier,
les agents surnaturels sont remplacés par des forces abstraites, véritable entités (abstractions
personnifiées) inhérentes aux divers êtres du monde, et conçues comme capables d’engendrer
par elles-mêmes tous les phénomènes observés, dont l’explication consiste alors à assigner
pour chacun l’entité correspondante.
Enfin, dans l’état positif, l’esprit humain reconnaissant l’impossibilité d’obtenir des notions
absolues, renonce à chercher l’origine et la destination de l’univers, et à connaître les causes
intimes des phénomènes pour s’attacher uniquement à découvrir, par l’usage bien combiné du
raisonnement et de l’observation, leurs lois effectives, c’est-à-dire leurs relations invariables
de successions et de similitudes. L’explication des faits, réduite alors à ses termes réels, n’est
plus désormais que la liaison établie entre les divers phénomènes particuliers
et quelques faits. »
2. la science construit des modèles.
Le mot modèle synthétise les deux sens symétriques et opposés de
la notion de ressemblance, d’imitation, de représentation. En effet, il est
utilisé :
pour un concept ou objet qui est la représentation d’une autre (le « modèle réduit » ·
ou maquette, le « modèle » du scientifique), à construire ou déjà existant ;
pour un objet réel dont on cherche à donner une représentation, qu’on cherche à ·
imiter (exemple : le « modèle » du peintre, le « modèle » que constitue le maître pour
le disciple).
Le premier sens est le sens original. Le second sens dérive de la pratique
des architectes et ingénieurs (puis des scientifiques) consistant à
construire d’abord un prototype, concret ou conceptuel, qui servira de
« modèle » à une construction réelle : le modèle est ainsi devenu, en
outre, l’assemblage de concepts représentant de manière simplifiée une
chose réelle déjà existante (objet, phénomène,etc.), en vue de la
comprendre, d’en prédire le comportement, etc.
3.prolongeons cette définition de la science…
la science désigne à la fois une démarche intellectuelle reposant idéalement sur
]
un refus des dogmes et un examen raisonné et méthodique du monde et de
ses nécessités visant à produire des connaissances résistant aux critiques
rationnelles, et l’ensemble organisé de ces connaissances.
Mais proposer une définition, celle-ci ou une autre, c’est déjà adopter un point de vue
particulier : l’idée que définir la science est simplement possible, ce qui est loin de
faire l’unanimité. Il faut en effet prendre avec la plus grande prudence cette sorte
d’exercice. Alan Chalmer, après avoir examiné les principales théories de la science
du XXe siècle, écrit « qu’il n’existe pas de conception éternelle et universelle de la
science [...] Rien ne nous autorise à intégrer ou à rejeter des connaissances en
raison d’une conformité avec un quelconque critère donné de scientificité. »[2] Après
avoir également constaté qu’aucun des critères de démarcation suggéré par les
épistémologues du XXeme siècle n’a arraché l’assentiment général, Robert Nadeau
écrit pour sa part qu’on « ne peut apparemment formuler un critère qui exclut tout ce
qu’on veut exclure, et conserve tout ce qu’on veut conserver »
La définition proposée ci-dessus n’échappe évidemment pas à ce constat. Ainsi, non
seulement un certain « dogmatisme » n’est-il pas absent de la démarche scientifique,
mais il participe à sa bonne marche. Les références à la raison et à la méthode sont
également très discutables, lorsque l’on examine les pratiques concrètes des
chercheurs[5]. L’idée même d’une production de connaissance est problématique :
nombre de domaines reconnus comme scientifiques ne produisent pas de
connaissances, mais des instruments, des machines, des dispositifs techniques.
Pour autant, cela ne signifie pas nécessairement, comme l’écrit Paul Feyerabend,
que« la science est beaucoup plus proche du mythe qu’une philosophie scientifique
n’est prête à l’admettre. » Un sociologue comme Raymond Boudon s’appuie ainsi
sur la notion d’airs de famille pour critiquer l’idée que l’absence de définitions claires
de la science déboucherait nécessairement sur le relativisme : « [Les] conclusions
relativistes ne tiennent que grâce à l’a priori selon lequel à tout sentiment de
distinction doit correspondre une distinction soit objective, soit sociale. En revanche,
elles disparaissent lorsque l’on admet que les notions de « progrès » ,
d’« objectivité », de « vérité », de « science » [...] se matérialise[nt] de mille façons
entre lesquelles il y a seulement des airs de famille.
4. La science a son langage..Cependant le langage de la physique n’est pas le
langage des sciences humaines
. I, 1. Les symboles mathématiques constituent-ils un langage ?
En guise de point de départ nous prendrons appui sur une citation fort connue de Galilée extraite d’un
ouvrage datant de 1623, L’Essayeur. A la page 141 de l’édition française de ce texte, Galilée écrit ceci :
« La philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je
veux dire l’Univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la
langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique
et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen
desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot. Sans eux, c’est une errance vaine
dans un labyrinthe obscur ».
1. Elle peut vouloir dire que les mathématiques sont le langage de la nature, langage que l’homme
qui l’étudie devra s’efforcer d’assimiler et de comprendre. Dans cette conception les mathématiques
possèdent une « dimension ontologique », ce qui est une manière de dire qu’elles sont composées de
formes intelligibles existant par elles-mêmes et par lesquelles la nature est codifiée de toute éternité.
On appelle souvent cette conception des noms de « réalisme » ou « platonisme » mathématique.
2. on peut interpréter d’une seconde manière la citation de Galilée et conclure à partir d’elle que les
mathématiques sont le langage de l’homme dans lequel devront être traduits les
phénomènes de la nature pour devenir compréhensibles. Cette position est celle des formalistes ou
nominalistes pour lesquels les mathématiques sont une pure invention de l’homme, et pour qui les
êtres mathématiques n’ont d’autres existences que comme symbole et texte écrit. On peut ranger
parmi les tenants de cette position le formalisme de Hilbert et, dans sa plus grande radicalité celui du
groupe de mathématiciens réuni sous le nom de Bourbaki. C’est aussi par exemple la position du
physicien Heisenberg qui a écrit que pour lui « les formules mathématiques ne représentent plus la
nature, mais la connaissance que nous en possédons ».
3. Il existe une troisième interprétation qui met l’accent sur le fait qu’il ne va pas de soi de parler des
mathématiques comme d’une « langue », que ce soit en tant que « langue de la nature » ou comme «
langue des hommes étudiant la nature ». Une troisième option est possible, celle qui affirme qu’il n’y a
entre les mathématiques et la langue qu’une simple comparaison, une analogie aux vertus éclairantes
et pédagogiques. Les langues, telles que nous les avons définies en préambule possèdent des propriétés
spécifiques (double articulation, mise en correspondance de trois plans bien distincts : celui des
signifiants, des signifiés et des référents) etc. et une finalité bien spécifique, permettre la
communication orale ou écrite au sein d’un corps social déterminé. Or les objets mathématiques ne
présentent pas dans leur complexité quelque chose qui puisse correspondre à une « double articulation
», ils ne renvoient pas à un monde d’objets extérieurs à eux- mêmes, puisque le cercle du géomètre par
exemple n’existe pas dans la nature et que les formules algébriques sont auto-référentielles, ce qui
signifie qu’elles renvoient à leur propre composition interne. Ajoutons que les objets mathématiques
sont utilisés en physique pour exprimer des mesures ce qui réduit considérablement le champ et la
finalité de la « communication » par rapport aux langues vernaculaires, et qu’enfin, comme le
soutiennent de nombreux mathématiciens, les suites de symbole mathématiques sont faits pour être
lus silencieusement et non pas pour être parlés, ce qui élimine la dimension orale de la
communication. Rien ne serait par conséquent plus impropre que de parler des mathématiques
comme une langue sinon par une lointaine analogie qui trouverait sa raison d’être dans les vagues
similitudes existant entre lasyntaxe d’une langue et les règles de composition interne des chaînes
mathématiques. Cette position est défendue par exemple par un épistémologue comme Thomas Kuhn
dans l’ouvrage intitulé La structure des révolutions scientifiques. Pour lui le texte de Galilée possède
une valeur essentiellement paradigmatique et par « paradigme » il faut entendre un « modèle de
représentation » une analogie aidant à la conceptualisation, comme l’indique du reste l’étymologie
grecque « paradeigma » qui signifie « modèle » ou « exemple ». Selon Thomas Kuhn chaque grande
innovation théorique (et dans le cas de la science galiléenne il s’agit de la mathématisation de la
physique, en rupture avec la physique qualitative héritée d’Aristote), implique l’adoption d’un nouveau
modèle ou paradigme qui permet de surmonter une crise dans la représentation suscitée par
l’innovation elle-même. Cette conception, exposée dans un texte de 1962 n’est pas sans rappeler les
thèses de Michel Foucault, développées en 1966 dans Les mots et les Choses, dans lesquelles Foucault
montre que les ruptures d’épistémé proviennent à la fois d’une autre manière de concevoir le rapport
des signes au monde et de l’adoption de nouveaux paradigmes de représentation.
II 2. La critique de « l’illusion formaliste »
A ce niveau de l’analyse il nous faut revenir au texte de Jean-Marc Lévy-Leblond, Penser les
mathématiques, avec lequel nous avions commencé. Pour ce physicien, la bonne interprétation du
texte de Galilée ne fait aucun doute. Galilée conçoit les mathématiques comme le langage propre de la
nature et sa position doctrinale est réaliste ou platonicienne. Toutefois le caractère exclusif de la triple
alternative que nous avons présenté (le réalisme, le formalisme ou l’approche paradigmatique) n’est
pas reçue « en l’état » par tous les tenants de l’épistémologie contemporaine. En d’autres termes, on
peut revendiquer l’existence d’une une voie médiane, une interprétation qui refuse des options aussi
tranchées en ce qui concerne le statut des mathématiques. C’est le cas par exemple de la position que
Gilles-Gaston Granger développe dans son ouvrage Pensée formelle et sciences de l’homme.
Dans ce texte Granger souligne tout d’abord le lien étroit qui unit le travail de la science avec l’univers
des signes. Il écrit ainsi : « il y a science lorsque s’opère par la médiation de signes, le passage d’une
expérience à une forme ou structure ». Le mot « expérience » est ici à prendre au double sens
d’expérience sensible et d’expérimentation scientifique. Lorsque Galilée, nous dit Granger, analyse le
phénomène d’accélération de la vitesse d’un corps tombant en chute libre, dans un ouvrage de
1638, Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles, Galilée
constate que cette vitesse n’est pas directement déterminée par le poids du corps en chute libre mais
par l’addition d’unité de temps, durant la chute. A chaque nouvelle unité de temps la vitesse est
supérieure d’un degré. A partir de ce constat il formule en langue vernaculaire la loi selon laquelle
l’espace parcouru par un corps en chute libre est proportionnel au carré du temps de chute. Toutefois
cette loi ne sera formulée en toute rigueur scientifique que par l’intermédiaire d’une formule où des
symboles (des lettres, des chiffres et une barre de fraction) vont exhiber des rapports. Ainsi ce qui est
connu à l’époque sous le nom de la « loi des espaces » se formule à l’aide de ce qu’on peut appeler une
« algèbre » : e= ½ gt2, où e désigne l’énergie cinétique, g le poids et t le temps. Cette présentation
algébrique permet de lire les rapports rigoureux et précis entre des grandeurs mesurables symbolisées
par des lettres, lesquelles désignent des variables. L’existence de ces variables permet de s’élever de la
perception intuitive à l’abstraction d’une loi. En effet cette formulation, parce que générale, est
infiniment plus riche que ce peut fournir la simple perception d’un corps en chute libre et nous fait
accéder à l’intelligibilité du phénomène constaté.
Or nous dit Granger, la nécessité pour la physique d’utiliser une expression algébrique n’implique
aucun nominalisme ou formalisme et il faut se garder de toute « illusion formaliste ». Bien sûr les
progrès majeurs d’une science ont pour point de départ une réforme radicale du codage de
l’expérience, écrit-il, et ce fut aussi le cas avec la chimie de Lavoisier lorsque ce dernier écarta les
symboles figurés des éléments chimiques pour y introduire une représentation algébrique non
intuitive des phénomènes de réaction. Mais (et ce point nous paraît fondamental), il faut reconnaître,
poursuit Granger, qu’un codage n’est jamais le seul possible alors même que le corps des expériences
qu’il exprime reste inchangé. Il y a des « styles » possibles de codification de la physique, comme il y a
des styles possibles de positionnement de l’objet mathématique. C’est là une des thèses les plus
célèbres de l’épistémologie de Gilles-Gaston Granger qui fonde l’idée d’une « épistémologie
comparative », dans laquelle on va pouvoir comparer et distinguer les styles du langage mathématique
d’Euclide et d’Archimède, de Desargues et de Descartes etc., sans que cela n’implique aucune vision
nominaliste des mathématiques. Ce travail de comparaison sera accompli par lui du reste dans
son Essai d’une philosophie du style. Granger prétend donc se placer dans une position intermédiaire
entre « l’ontologisation » des symboles mathématiques et le nominalisme de ceux pour qui les êtres
mathématiques sont purement linguistiques. Il condamne ainsi avec une grande force les thèses qui
furent celles de Condillac lorsque ce dernier écrivait que la science n’est qu’une langue bien faite : «
affirmer avec Condillac que la science n’est qu’une langue bien faite est une thèse singulièrement
ambiguë. Cela signifie qu’on glisse donc facilement à une conception grammaticale de la science selon
laquelle l’objet finit par n’être rien que le produit d’une activité syntaxique dont la fécondité nous
surprend ». Or il ne faut pas prendre la proie pour l’ombre, ne pas confondre le réel et les formes du
langage, comme nous ne devons pas confondre dans la pratique quotidienne du langage, les choses
avec les mots qui les désigne. Dans Pensée formelle et sciences de l’homme Granger écrit encore : « le
travail scientifique fait un langage, mais la science n’est pas seulement une langue bien faite.
L’organisation syntaxique n’est jamais qu’un aspect de la construction des concepts, qui supposent un
processus irréductible de manipulation des phénomènes physiques ».
5. l’erreur dans la démarche scientifique
• obstacle épistémologique et rupture épistémologique (Bachelard)
la falsification de la théorie : Karl Popper ·
) Si ce sont des confirmations que l'on recherche, il n'est pas difficile de trouver, pour la grande
majorité des théories, des confirmations ou des vérifications.
2) Il convient de ne tenir réellement compte de ces confirmations que si elles sont le résultat de
prédictions qui assument un certain risque; autrement dit, si, en l'absence de la théorie en
question, nous avions dû escompter un événement qui n'aurait pas été compatible avec celle-ci -
un événement qui l'eût réfutée.
3) Toute " bonne " théorie scientifique consiste à proscrire : à interdire à certains faits de se
produire. Sa valeur est proportionnelle à l'envergure de l'interdiction.
4) Une théorie qui n'est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de
caractère scientifique. Pour les théories, l'irréfutabilité n'est pas (comme on l'imagine souvent)
vertu mais défaut.
5) Toute mise à l'épreuve véritable d'une théorie par des tests constitue une tentative pour en
démontrer la fausseté (to falsify) ou pour la réfuter. Pouvoir être testé c'est pouvoir être réfuté;
mais cette propriété comporte des degrés : certaines théories se prêtent plus aux tests, s'exposent
davantage à la réfutation que les autres, elles prennent, en quelque sorte, de plus grands risques.
6) On ne devrait prendre en considération les preuves qui apportent confirmation que dans les cas
où elles procèdent de tests authentiques subis par la théorie en question : on peut donc définir
celles-ci comme des tentatives sérieuses, quoique infructueuses, pour invalider telle théorie [...].
On pourrait résumer ces considérations ainsi : le critère de la scientificité d'une théorie réside dans
la possibilité de l'invalider, de la réfuter ou encore de la tester.
l’erreur est fondamentale dans la démarche scientifique. (ne pas confondre erreur et illusion)
6. fausse science : l’usage idéologique de la science, ou le refus de l’erreur.
L’illusion se substitue à l’erreur
Exemple : l’astrologie . Roland Barthes Mythologies.
Il semble que les diverses sciences aient en commun ces notions afin de pouvoir
répondre au concept de science.
7.les limites de la rationalité scientifique ou le risque du scientisme
8.le but de la science : « se rendre comme maître et possesseur de la nature » Descartes, Discours de la Méthode, 5e partie.
Une science utile au développement de l’agriculture et de la médecine. Son but ultime : rendre l’homme content, le contentement, véritable figure du bonheur selon Descartes.
" Sitôt que j'eus acquis quelques notions générales touchant la physique, et que commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j'ai remarqué jusque où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s'est servi jusqu'à présent, j'ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu'il est en nous, le bien général de tous les hommes. Car elles m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu'au lieu de cette philosophie spéculative, qu'on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices, qui feraient qu'on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie.
Descartes, Discours de la méthode
On notera dans cet extrait l’importance du « comme » dans l’expression « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». Descartes n’est nullement un impérialiste de la science et de la technique : cette maîtrise a des limites. Seul Dieu peut véritablement revendiquer cette possession.
On notera aussi que le mot « maître » a ici le sens de magister, c'est-à-dire qu’il s’agit d’instruire la nature afin d’en déterminer les lois ce qui montre que le terme de maître ne renvoie nullement au sens de tyran (dominus)
9.vulgarisation et diffusion de la science
Toujours à partir du Discours de la Méthode, il s’avère nécessaire de constituer une communauté scientifique afin de veiller au progrès des sciences mais aussi à contrôler les dérapages possibles du discours scientifique.. En effet la rationalité scientifique n’et pas capable par elle-même de réfléchir ses limites. En d’autres termes elle ne peut réfléchir le sens de ses pratiques (on retrouve la distinction entre connaître et comprendre). C’est ce que Heidegger résumera dans la formule « la science ne pense pas ». Connaître n’est pas penser.
Martin Heidegger
Cours de 1951-1952, repris dans Qu'appelle-t-on
penser ? et
dans Que veut dire
“penser” ? Essais et conférences (1954)
Cette phrase – péremptoire, voire choquante – prononcée par Heidegger dans son Cours du semestre d'hiver 1951-1952 : « La science ne pense pas » a provoqué de nombreux commentaires.Certains y ont vu un symptôme de l'« irrationalisme » de son auteur ; d'autres, de son caractère « fermé ». Tous feraient bien de regarder de plus près l'argumentation qui accompagne cette assertion. Que la science ne pense pas n'est pas, aux yeux de Heidegger, l'indice de son infériorité face à la philosophie. C'est, au contraire, un « avantage » : pour Heidegger, les sciences sont efficaces parce que « bornées » (au sens de limitées). N'interrogeant jamais les présupposés de leurs relations aux objets, elles travaillent à l'intérieur de représentations qui ne viennent pas d'elles, mais de grands choix antécédents. Si l'on peut en étudier les effets, personne n'a ainsi jamais vu de « force », notion pourtant centrale de la mécanique classique, mais qui ne dérive pas de l'observation. Bref, il s'agit bien là d'une hypothèse métaphysique.
Dans le même registre, Heidegger note – ce qui est une évidence logique, si tant est que « nulle pensée ne crée (ne peut créer) l'élément où elle se meut » – que, pas plus que la science historique « ne recherche jamais ce qu'est l'histoire », sinon elle ne pourrait pas en faire, les mathématiciens ne peuvent montrer ce qu'est la mathématique – autrement, ils seraient paralysés...
Plus avant, que la science ne pense pas découle, pour Heidegger, de sa déconstruction de la métaphysique traditionnelle. Comme elle, les sciences ne sauraient pénétrer le domaine de l'Être, et donc penser vraiment, car elles en restent au champ des choses, soit, pour le dire à la manière de Heidegger, des « étants ».
Si ces considérations valent pour les sciences appliquées comme la physique, qu'en est-il des mathématiques ? Celles-ci ne sont-elles que de pures « tautologies » (du grec to auto legein, « dire la même chose »), ou bien produisent-elles quelque chose qui n'est pas contenu dans leurs prémisses ? Ce débat a divisé les philosophes du XXe siècle. Et l'argument de certains critiques de Heidegger a été de lui opposer, sur ce point, le « théorème d'incomplétude » de Gödel : ce grand logicien n'a-t-il pas démontré, en 1931, qu'il est des vérités, dans les systèmes mathématiques, qu'on ne peut faire dériver de leurs axiomes ? Et cela ne prouve-t-il pas que les mathématiques sont productrices de vérités nouvelles, qu'elles pensent ? Rien de moins sûr. Cela pourrait simplement vouloir dire qu'aucun langage (rationnel) ne peut rendre totalement compte du monde.
Si la science ne peut, selon Heidegger, penser l'Être, elle ouvre néanmoins parfois des interrogations radicales. Ainsi, la découverte de la théorie de la relativité en physique a bouleversé nos conceptions de l'espace et du temps, obligeant la métaphysique traditionnelle à se remettre en cause, à faire un« saut ». De ce point de vue, faire penser, n'est-ce pas finalement aussi bien, sinon mieux, que soi-même penser ?
Patrice Bollon
(Philosophie Magazine juin 2010 no 40)