équivocité des mots

Publié le par maryse.emel.blogphilo.over-blog.com

 

 

 

 

« Je formai le projet, autrement dit, d’écrire un livre où le « voyageur » reparcourrait son chemin, ou plutôt s’y engagerait vraiment, allant où je n’avais pas été, raisonnant sur les oeuvres plus attentivement que je n’avais cherché à le faire : et revivant de ce fait les illusions que je n’avais eues, si je puis dire, qu’en rêve, mais découvrant aussi bien ce que je ne savais pas encore, la raison d’être et les mécanismes de ce décentrement au nom du centre, de ce gant retourné que je faisais de ma vie. Un livre, - une ambiguïté - encore. Car recommencer le voyage dans l’écriture au moment même où l’existence l’interrompait, c’était peut-être vouloir le préserver autant que l’analyser pour le réduire. Mais autant rendre à l’atemporalité de l’écriture ce qui blessait ma vie : la crainte, qui naît des mots, de la finitude, du temps ; et je pensais aussi que, butant alors contre cette fatalité, je m’interrogerais toujours plus. Un livre à deux niveaux, plutôt qu’une ambiguïté. Un livre où la raison finirait par circonvenir le rêve....(....)

Mais alors commençait ;ou presque, la seconde page qui, elle, m’avait été donnée d’un seul coup, comme si j’avais vu de mes yeux, dans une autre vie, les événements que je vais dire.

 

 

Y.Bonnefoy, L’arrière-pays

 

 

 

 

Mallarmé, ou le jeu insensé d’écrire :  La métaphysique est morte. Le sens n’existe plus de ce fait préalablement à l’acte d’écrire.

 

            Salut

 

Rien, cette écume , vierge vers

A ne désigner que la coupe ;

Telle loin se noie une troupe

De sirènes mainte à l’envers.

Nous naviguons, ô mes divers

Amis, moi déjà sur la poupe

Vous l’avant fastueux qui coupe

Le flot de foudres et d’hivers ;

 

Une ivresse belle m’engage

Sans craindre même son tangage

De porter debout ce salut

 

Solitude, récif, étoile

A n’importe ce qui valut

Le blanc souci de notre toile.

 

 

 

Sur les limites du langage..

 

 

 

 

Bergson (Henri)

 


Langage - Pensée - Sentiments

 


Texte donné au baccalauréat.

 

 

Chacun de nous a sa manière d'aimer et de haïr et cet amour, cette haine, reflètent sa personnalité tout entière. Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n'a-t-il pu fixer que l'aspect objectif et impersonnel de l'amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l'âme. Nous jugeons du talent d'un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivante individualité. Mais de même qu'on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions d'un mobile sans jamais combler l'espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent : la pensée demeure incommensurable avec le langage.

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

Publié dans langage

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J
Tout à fait d'accord! Un grand bravo à l'administrateur de cette merveille
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E
merci à vous!
P
Un grand bravo pour cet article, et pour ce blog en général. Bien construit, pertinent et surtout d'une richesse émotive intense. Aimer la philo n'est aujourd'hui nullement équivoque face au sérieux de vos écrits. Ce blog constitue j'imagine une perle rare pour tout nos petits bacheliers.
Répondre
E
merci à vous!