la ville
« l’air de la ville rend libre » vieil adage du Moyen Age
Introduction : les origines du mot « ville » .
Une origine latine, villa : ensemble des maisons et des fermes. La campagne et la ville s’opposent à l’intérieur d’un même genre.
Urbs : ensemble de maisons et d’édifices.
Civitas : ensemble de citoyens… Celui qui ne joue pas ce rôle au sein de la ville est soit une bête soit un Dieu….
La ville est à la fois ensemble de bâtiments et espace humain : comment tenir ensemble ces deux notions, pas toujours compatibles, ne serait-ce que dans l’opposition classique entre mécanique-technique et organique…comment rendre la ville « organique » ?(même question pour l’habitat)
Mise en place de la problématique :
1. Séparation et hétérogénéité
La ville est une organisation de l’espace produite par des sociétés humaines
dont la domination historique est aujourd’hui sans partage. Quel que
soit le continent où l’on vit et quels qu’en soient les motifs ou les formes,
il ne fait pas bon être nomade et la norme contraignante de la sédentarité
est de plus en plus celle de la vie urbaine. Aujourd’hui et depuis un certain
temps déjà, la ville ne se laisse plus délimiter de manière principalement
spatiale, comme lorsqu’elle était ceinte de murs ni opposer aisément à la « campagne ». La limite entre l’urbain et le non-urbain est ainsi devenue
difficile à assigner. Les auteurs du XIX e siècle, poètes et romanciers, la
décrivaient déjà pour ce qu’elle est, un organisme vivant doté d’un ventre,
d’un coeur, d’artères et traversé par la circulation de multiples flux qui participent
de sa vitalité. La ville est certes un lieu et un ensemble visible, en
partie structuré par des édifices diversement agencés ; mais plus encore, elle
est l’effet de l’ensemble des relations individuelles et collectives qui s’y développent
et constituent cet espace à la fois construit, perçu et vécu désormais
identifié sous le nom d’« espace urbain ».
S’il est possible de repérer des caractères communs propres à déterminer
« l’urbain », c’est davantage encore l’hétérogénéité qui domine : celle de la
structuration d’ensemble et du bâti d’abord, entre des villes qui ont lentement
pris forme autour de centres historiques, des villes nouvelles pensées
et construites de toutes pièces, des villes qui « poussent » toutes seules,
souvent bidonvilles, sans organisation globale, sans pensée urbaine, au gré
des exodes divers. Certains géographes distinguent en ce sens une urbanisation
technologique, dans laquelle la ville se présente comme un espace
d’accueil et de production parce qu’elle est en mesure d’offrir des emplois
à ceux qui y habitent et une urbanisation démographique liée à une simple
accumulation de population dans laquelle la ville n’est qu’une matrice
médiocre d’emplois informels et sans véritable cohérence systémique.
L’hétérogénéité est aussi et surtout sociale :la ville n’est pas la même pour
tous et elle l’est de moins en moins à mesure que la population urbaine s’accroît.
En France on est ainsi passé, selon les termes du géographe Jacques Scheibling,
d’une ségrégation « associée » – les différentes conditions sociales, réparties
selon les étages mais cohabitant dans les immeubles bourgeois – à une ségrégation
« dissociée ». Les banlieues et plus largement les périphéries des villes
concentrent de très nombreux dysfonctionnements, au point qu’il serait pertinent
de parler d’une véritable fracture territoriale. Les populations les plus
démunies, les plus fragiles se trouvent repoussées ou maintenues sur les marges,
ce qui n’exclut pas qu’elles s’approprient malgré tout, de façon si chaotique
que ce soit, l’espace dans lequel elles sont amenées à vivre.
Lorsqu’on prend le temps et la peine d’y déambuler, la ville expose et
donne à voir crûment ces inégalités de toutes sortes. Le cinéma, en tant qu’il
est un art lié à l’émergence du « social », s’est abondamment nourri du spectacle
offert par la ville. Luigi Comencini par exemple, dans L’Argent de la
vieille nous découvre un espace qui est d’emblée socialement clivé : la vaste
demeure de « la vieille » se tient en haut de la colline tandis que le bidonville
s’étale en contrebas. Le film se construit à partir de cette opposition,
de cette hiérarchie des lieux, et des trajets qui mènent de l’un à l’autre :
Peppino et Antonia « montent » au château en quelque sorte. Aucune vue
d’ensemble rassemblant les deux espaces ne nous est proposée par le cinéaste
comme si l’essentiel était de découvrir à travers les lieux, la position sociale
de classes radicalement hétérogènes les unes aux autres.
Mais si la structuration de la vie urbaine est en partie l’effet de ces clivages
sociaux qui semblent insurmontables, comment concevoir que l’espace urbain
puisse devenir l’objet d’interventions pertinentes ou plutôt quel type d’intervention mettre en place ?
A partir de ce constat de l’hétérogénéité et de la séparation, la question que l’on se posera est celle de savoir si la ville a pour vocation d’ aider à satisfaire des besoins, être utile (par exemple par ses infrastructures ou encore ses nombreux moyens de circulation) , ou si une trop grande rationalité technique de la logique des moyens, ne nous enferme pas dans une gestion des moyens au détriment du sens, c’est-à-dire une exclusion de fait de la capacité créative de l’homme , c’est-à-dire du citadin, capable peut-être de penser lui aussi sa ville? Certains traitements aggravent parfois la situation.
A trop vouloir encadrer, proposer, organiser, et finalement contrôler et punir ou récompenser, ne retire-t-on pas à l’homme sa détermination première qui consiste à prendre ses distances, à jouer avec le réel (comme l’enfant qui joue à Superman), à ne pas y coller, à y trouver un espace de liberté propre à la création ?
Le problème avec la ville c’est qu’elle suppose une clôture, pour se démarquer de ce qui n’est pas elle, et en même temps une ouverture permettant le passage, l’ouverture et sa propre extension. Il y a une tension permanente entre ouverture et fermeture,
Cette tension on la retrouve symboliquement dans l’histoire du mot.
- La ville, comme lieu de culture (Aristote) et qui fait de l’homme un humain…seuls dieu et les bêtes ne lui appartiennent pas
· « La communauté achevée formée de plusieurs villages est une cité dès lors qu’elle a atteint le niveau de l’autarcie pour ainsi dire complète s’étant donc constituée pour permettre de vivre, elle permet, une fois qu’elle existe, de mener une vie heureuse. Voilà pourquoi toute cité est naturelle c’est parce que les communautés antérieures dont elle procède le sont aussi. […] Il est manifeste, à partir de cela, que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique, et que celui qui est hors de la cité, naturellement bien sûr, et non par hasard, est soit un être dégradé, soit un être surhumain. »
· Aristote, La Politique
- Proximité au début de la ville et de la campagne dans l’étymologie ( villa = ville et campagne).
- En traçant le pomoerium, le sillon sacré délimitant l’enceinte de Rome, Romulus accomplit un acte culturel et cultuel…Le monde de l’homme est fait de délimitations, de clôtures, au sens où elles sont censées garantir la paix et l’ordre.
- La ville (civitas) est aussi le lieu de la civilité, de la courtoisie…Faire partie de la civitas suppose acquises les règles de la civilité…Sinon on est un « a-bruti », c’est-à-dire quelqu’un qui n’est pas « poli »
La ville est donc un espace séparé avec ses espaces propres, son temps propre, ses jardins qui disciplinent la nature, ses règles, sa verticalité (voir la tour de Babel qui effraie tant le Dieu de la Bible), ses échanges fondés sur le langage, et qui ne se réduisent pas dès lors à l’économique.
- Mais qui dit séparation dit par voie de conséquence, exclusion. Que penser alors de la situation des sans-abris, de la violence (pas seulement physique) engendrée par la ville ? Que penser de la négation de l’humain par la négation de la limite entre le dehors et l’intérieur (de la maison). Comment penser la rue ? (les cultures dites urbaines ne sont-elles pas des tentatives pour contrôler la rue ?)
-
2. les besoins sont-ils au cœur de la ville ?
Qu’est-ce qui amène quelqu’un à vivre en ville ? Si ce n’est que le côté pratique, on risque fort de le voir désinvestir les lieux, et au pire ne pas même investir des relations de voisinage. Nier en quelque sorte tout lien social, pour se replier au mieux sur son territoire familial, mais cet espace lui-même risque d’être abandonné s’il ne satisfait que des besoins.
J’appelle besoins les lois naturelles et nécessaires que nous devons satisfaire sous peine de mourir ( boire, manger, dormir, se reproduire), mort individuelle ou mort collective dans le cas de la non-reproduction de l’espèce.
Ainsi tout être humain est soumis à la nécessité de satisfaire ses besoins…cependant, il n’y a là aucune tentative de se singulariser puisque tout le monde est soumis aux mêmes lois. Cette définition permet de comprendre que les besoins soumettent l’homme à l’ordre naturel et que dès lors il ne gagne aucune liberté…A travail aliénant faut-il conjoindre une conception tout autant aliénante de la ville ? Ainsi la question centrale sera celle de savoir ce qu’il faut penser pour ouvrir et non fermer la ville sur elle-même…
. L’homme ne peut s’épanouir que là où il échappe à la nécessité des lois naturelles …
qui le renvoient au processus constant de la consommation et de la consomption. C’est en créant un espace artificiel propre que l’homme échappe à la nécessité et trouve la liberté créatrice (-H. Arendt). Il crée une histoire qui lui est propre.
Par conséquent la ville a un statut qui la rapproche d’une œuvre d’art qui perdure à travers les différentes générations, et doit donc permettre à l’homme de manifester son esprit et sa libre création.
- Cependant, la ville est aussi le lieu de la fétichisation de l’argent et de l’aliénation
- Développement du mercantilisme et des différents visages de l’insécurité
- De la ville-œuvre on passe à la ville-produit
Désintérêt pour le jeu démocratique. Le citoyen devient consommateur…on parle de masse. Atomisation de la société, disparition d’un monde commun, surgissement de l’immonde, de la violence , perte d’un langage commun.
"Dans cette situation d'aliénation
du monde radicale, ni l'histoire ni la nature ne sont plus du tout concevables. Cette double disparition du monde -la disparition de la nature et celle de l'artifice humain au sens le plus large,
qui inclurait toute l'histoire- a laissé derrière elle une société d'hommes, qui, privés d'un monde commun qui les relierait et les séparerait en même temps, vivent dans une séparation et un
isolement sans espoir, ou bien sont pressés ensemble en une masse. Car une société de masse n'est rien de plus que cette espèce de vie organisée qui s'établit automatiquement parmi les êtres
humains quand ceux-ci conservent des rapports entre eux mais ont perdu le monde autrefois commun à tous."
La crise de la culture (Between Past and Future,1954), Gallimard Folio (1989), pp.
119-120.
- Une logique d’absorption excluante, appartenant à l’être de la ville, qui peut mener à des violences urbaines si on ne soigne pas les médiations, car la ville induit trop de promiscuité.
- La violence est rupture avec le langage, retour à l’indéterminé…perte du sens….du monde de l’œuvre on passe aux déchets, à l’immonde, l’immondice…………
- Lieu de la fétichisation de l’argent et de l’aliénation
-
L’expression « politique de la ville » recouvre-telle une quelconque réalité ?
Dans Main basse sur la ville, Francesco Rosi met justement en scène l’impuissance politique face à la spéculation immobilière.
La caméra filme cette contradiction inscrite dans l’espace : le plan
aérien qui nous présente une vue unifiée de la ville fait fortement ressortir
l’absence d’unité et le chaos architectural, conséquence des destructions et
reconstructions indexées sur de seuls enjeux financiers. Sous des formes
différentes, l’actuelle crise des subprimes implique elle aussi l’interférence
de la spéculation économique et du désir de propriété de ceux qui ne possèdent pas grand-chose.
Pourtant si l’urbanisme n’est pas à lui seul une solution, et s’il est le plus
souvent contraint de s’effacer et de céder le pas devant la puissance des
promoteurs immobiliers ou devant d’autres impératifs économiques, il actualise une vocation à la fois politique et sociale par le biais des innovations
et des projets alternatifs qu’il reste en mesure de concevoir puis de mettre
en oeuvre. D’autant que les urbanistes d’aujourd’hui ont su tirer les leçons
du volontarisme des années 1950-1970, celui qui a notamment donné naissance à des « villes nouvelles ».
Dans ses Notes sur la ville nouvelle d’avril 1960, Henri Lefebvre, observateur
et penseur de la modernité, s’intéresse à la construction de la ville
nouvelle de Mourenx, bâtie pour loger des familles venues travailler sur le
site de Lacq. À partir de cette situation concrète, il s’interroge sur les formes
d’aliénation et d’ennui produites par ce type d’urbanisation. À l’évidence
il ne s’agit pas pour lui de défendre un repli sur l’ancien – le bourg d’antan
– dont il fait pourtant l’éloge. De ce point de vue, on ne peut manquer d’évoquer ici la manière dont certaines grandes villes du monde ont fait de leur
centre des sanctuaires, étrange protection muséale qui fige ces lieux et les
métamorphose en de véritables parcs d’attraction principalement destinés
au tourisme international.
S’agit-il alors de penser et de mettre en oeuvre un urbanisme qui permettrait
aux hommes de conquérir et créer leur vie quotidienne, de ne pas simplement
subir la transformation de leur monde mais d’en être partie prenante ? C’est
peut-être en ce sens qu’une politique de la ville est nécessaire, qui permettrait
d’éviter l’opposition stérile entre conservation de l’ancien et construction
nouvelle – de multiples interventions dans le monde, témoignent de l’inanité
d’une telle séparation – et de se dégager de la supposée contradiction entre la
conception et la volonté abstraites d’un côté (celle des politiques, des urbanistes…), la formation et croissance spontanée de l’habitat de l’autre (Lefebvre compare la croissance du village ancien à celle d’un coquillage). La ville procède en partie d’un ordre et d’un agencement spontanés qui n’impliquent pas nécessairement l’harmonie ; cette croissance peut ainsi prendre la forme de gigantesques bidonvilles. La ville est en partie le résultat d’une conception urbanistique experte et technocratique, conception dont les principaux intéressés, les citadins usagers, sont parfois complètement absents au risque de produire des lieux particulièrement inhospitaliers ou franchement inhabitables.
Car habiter un lieu, habiter la ville et pouvoir profiter de ce qu’elle offre,
suppose bien sûr de vivre dans des conditions salubres, mais aussi de pouvoir circuler agréablement, de pouvoir s’approprier de diverses manières certains
espaces communs, de se sentir partie prenante d’une histoire, d’une
collectivité. On ne peut oublier le fait que la politique est fille de la cité et
que la vie urbaine – n’est-ce pas là le sens de l’urbanité ? – pourrait, moyennant
certains projets audacieux, retrouver cette vocation de lien social et
politique.
C’est sans doute un des enjeux et des apports de l’urbanisme que de
parvenir à construire – à rêver d’abord ? – des espaces de cohabitations,
des habitats qui « fassent société ». Des co-habitats dans lesquels existeraient
un partage et une ouverture de lieux collectifs, où les architectures
seraient diversifiées afin que les individus puissent en même temps s’approprier
un espace privé. De telles propositions et réalisations existent de par le
monde : minoritaires ou marginales, elles n’en sont pas moins exemplaires
et pourraient, à terme, se multiplier. Elles manifestent en tout cas que de
manières très diverses – plusieurs exemples sont présentés dans ce numéro –,
il est possible de concilier territoire, économie, lien social et culture. En ce
sens l’urbanisme est utopique si, selon les mots de Théodore Monod, « l’utopie
ne signifie pas l’irréalisable mais l’irréalisé ». En ces temps d’urgence
sociale et écologique, la ville n’est pas seulement un problème ; elle a aussi
vocation à inventer et à expérimenter des solutions !
source : http://www2.cndp.fr/archivage/valid/143001/143001-18908-24560.pdf
Habiter la ville
· Si l’homme est porteur de sens, il est clair que les habitations qui font la ville, ne se réduisent pas à des abris, des habitacles, mais supposent l’investissement d’un espace propre par celui qui y habite ( on comprend la douleur de voir imploser son logement, ou encore l’investissement affectif des enfants pour leur école ). L’habitation est un acte éminemment culturel.
Ainsi certains logements trop compartimentés et trop utilitaires peuvent produire de l’inhabitable. Ainsi habiter, c’est bien plus que se loger. L’excès de rationalité peut conduire à des refus d’habiter le lieu.
Citons Descartes qui, dans le Discours de la Méthode, favorise la géométrisation de l’espace aux dépens du « bricolage » du passé ( ce qui est sous-tendu en fait par sa conception instantanéiste du temps…aucune conception continue du temps, aucune idée de durée)
L’une des premières [pensées] fut que je m’avisai de considérer que souvent il n’y a pas tant de perfection dans les ouvrages composés de plusieurs pièces, et faits de la main de divers maîtres, qu’en ceux auxquels un seul a travaillé. Ainsi voit-on que les bâtiments qu’un seul architecte a entrepris et achevés, ont coutume d’être plus beaux et mieux ordonnés, que ceux que plusieurs ont tâché de raccommoder, en faisant servir de vieilles murailles qui avaient été bâties à d’autres fins. Ainsi, ces anciennes cités qui, n’ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues, par succession de temps, de grandes villes, sont ordinairement si mal compassées, au prix de ces places régulières qu’un ingénieur trace à sa fantaisie dans une plaine, qu’encore que, considérant leurs édifices chacun à part, on y trouve souvent autant ou plus d’art qu’en ceux des autres; toutefois, à voir comme ils sont arrangés, ici un grand, là un petit, et comme ils rendent les rues courbées et inégales, on dirait que c’est plutôt la fortune, que la volonté de quelques hommes usant de raison, qui les a ainsi disposés. Et si on considère qu’il y a eu néanmoins de tout temps quelques officiers, qui ont eu charge de prendre garde aux bâtiments des particuliers, pour les faire servir à l’ornement du public, on connaîtra bien qu’il est malaisé, en ne travaillant que sur les ouvrages d’autrui, de faire des choses fort accomplies1.
Texte célèbre qui fera qu’on parlera de « villes à la Descartes »
· Quand la construction prend le dessus sur l’habitable, alors on remarque que le souci de la circulation prend le dessus sur toutes les autres considérations de l’aménagement de l’espace de la ville. On s’intéresse au flux, pas au séjour…C’est ce qu’on appelle les villes dortoirs.
· Cependant si le SDF qui occupe une parcelle de trottoir rappelle que la ville exclut, le musicien dans le métro montre qu’habiter un espace c’est se le réapproprier pour en faire son propre espace, et l’extraire de la fonction utilitaire qu’on lui a attribué.
· Il ressort de tout cela comme précédemment que l’habitat est expression symbolique de celui qui l’habite, et s’il n’y a pas d’ouverture au sens, on réduira l’habitat au logement, avec la violence qui découle de la non reconnaissance de l’humain dans sa spécificité .
Dès que l’on enferme l’homme et qu’on l’exclut du travail du sens, dès que la rationalité technique ou scientifique prime sur le travail d’interprétation, dès qu’on réduit l’homme à un simple moyen ou objet, l’homme se rebelle et surgit la violence…c’est pourquoi la ville doit permettre une réappropriation de la ville :
- Les rues piétonnes, par exemple, détournent le sens classique de la rue, qui, là, est au rythme du piéton.
- Les places, lieux d’échange et d’ouverture au monde (avant qu’on ne sombre dans l’immonde, les immondices…. La vision dystopique du réel que Calvino étale dans Les Villes invisibles l’amène à parodier toute forme d’utopisme idéalisé. La parodie se manifeste surtout mais pas exclusivement à l’intérieur de la rubrique ‘Les villes et le ciel’. Citons par exemple les habitants de Bersabée qui sont obsédés par une ville céleste qu’ils imaginent toute en or et en pierres précieuses, d’après laquelle ils construisent la Bersabée terrestre. Cependant il y a encore la Bersabée souterraine et infernale comprenant les détritus et les matières fécales de la Bersabée terrestre. Cependant ils ne se rendent pas compte qu’ils sont en train de construire une ville infernale basée uniquement sur la soif du gain, qui cyniquement contraste avec la ville des “dons libres” de la Bersabée terrestre, “la ville qui cesse d’être avare, calculatrice, intéressée, seulement quand elle chie” (132).TPF12FPT .)
Exemple : l’ensemble des Hautes Formes dans le 13e arrondissement de Paris
A la fin des années 1970, Christian de Portzamparc construit à Paris, dans le XIIIème arrondissement, une
HLM constituée de sept petits immeubles de logements. Ce quartier est l’une des premières réalisations de l’architecte selon sa théorie de « l’ilot ouvert ».
L’architecte choisit de créer une rue traversant l’ensemble. Une placette en constitue le centre, il met ainsi en réseau les différents morceaux de ville, les habitants, les passants. Au centre
de l’architecture, la rue est à nouveau espace de rencontre, de convivialité et de liaison.
Les bâtiments offrent un repère visuel et une continuité de l’espace publique. Mais les formes des édifices sont très diverses, engendrant une grande variété de perspectives. Les immeubles
orientés au sud, par exemple, sont moins élevés car la lumière doit pénétrer l’ilot. Les façades alternent des rythmes différents comme en témoignent les ouvertures : balcons, fenêtres étroites,
larges baies vitrées. Sur un même bâtiment, les volumes cohabitent.
A l’intérieur, c’est également la diversité qui prime. Les superficies sont variées. Chaque appartement possède son propre plan. Des passerelles reliant certains immeubles entre eux, créent des
rues intérieures tandis que des liaisons formelles sont soulignées par des poutres et des arcs renforçant l’impression d’unité de l’ilot.
Italo Calvino : Raissa, une ville heureuse
(les Villes invisibles)
Limites de l’urbanisme. La ville doit laisser du jeu, un espace de libre création.
C’est Benjamin qui aura le mieux compris que la ville n’existe pas en soi (pas plus qu’une autre chose, phénomène ou apparition), parce qu’elle est toujours appareillée. D’une part au sens où il y a des époques de la ville qui sont celles de l’appareil historiquement dominant, d’autre part au sens où il y a une conception-production de la ville à partir de ces appareils . (http://revues.mshparisnord.org/appareil/index.php?id=449)
Si la ville est acte de création, elle est l’inachevé….la limite n’est pas un indépassable. Toute frontière est faite pour être franchie.
On passe la frontière pour aller vers…ainsi il y a de l’inachevé mais il s’oriente vers un horizon de sens.